home
fr | de

Swing Session / Leapfrog

Ce disque n'est pas seulement un beau disque avec de la belle musique, c'est aussi un disque très attachant. Il ressemble à une rencontre, réussie, entre deux générations de musiciens suisses. Pour ce qui est des protagonistes, il y a les deux "anciens", les deux que l'on connaît de ce côté-ci des montagnes, le pianiste Jean-Loup Muller et René Hagmann (qui joue tout et de tout, ou presque) et les moins de trente ans : Manu Hagmann, contrebassiste, fils de René. Julien Cotting, batteur, neveu de Frédéric et ancien éleve d'un certain Bernasconi, et Levon, vibraphoniste, de son vrai nom Nicolas Maret, fils du guitariste des mémorables Dry Throat Five. 
Jusque-là, rien d'extraordinaire, des musiciens qui jouent avec leur papas, on en connait plein. L'intérêt de la chose, ici, c'est que la musique elle-même semble évoquer cette rencontre intergénérationelle. Elle aussi résulte du rapprochement de deux courants du jazz, mainstream et bop. Goodman et Hampton d'un côté, Milt Jackson de l'autre. Et ça marche à merveille. Tous ces musiciens savent faire les pas qu'il faut, les uns vers les autres, au gré des circonstances. Ils possèdent tous profondément les bases de la culture jazz : le swing, le blues. C'est formidable de voir arriver une relève de cette qualité (la seule chose dont j'ai peur, c'est que la relève soit moins présente du côté des spectateurs, comme chez nous). 
C'est formidable aussi de retrouver dans ce contexte un peu inhabituel pour lui un René Hagmann, toujours aussi inspiré et personnel. Même quand il reprend un bout de solo d'un autre, il fait du René Hagmann. C'est à la clarinette et au ténor, deux instruments qu'il joue avec une même identité, qu'il me plait le plus dans ce CD. J'évoquais tout à l'heure la musique de Goodman mais c'était seulement un repère historique parmi d'autre pour situer la musique du quintette car la clarinette de René Hagmann est tout à l'oppposé de celle, lisse et fluide, de l'américain. An cornet, ici, René Hagmann est plus inégal. C'est sans doute parce qu'il est plus familier de Someday Sweetheart que de Bags Groove... A propos de cet excellent Someday Sweetheart à l'ancienne, en duo cornet/piano, je me demande si, malgré le plaisir qu'il m'a donné, il n'aurait pas mieux valu le garder pour les prestations scéniques et préserver l'unité du CD. ça se discute. Un ami suisse m'a fait savoir que l'orchestre, en public, était musicalement encore plus épanoui, que Levon se révélait un showman très attrayant... Cela ne m'étonne pas. On sent bien que le CD n'a pas épuisé les potentialités de cette bien nommée Swing Session.


Guy Chauvier
Jazz Classique n°44 / jan. 2007

www.manusound.net